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Micro-living – cette forme d’habitat va-t-elle conquérir le monde?

Micro-living – cette forme d’habitat va-t-elle conquérir le monde?

Dans le cadre de l’étude «Microliving – Urbanes Wohnen im 21. Jahrhundert» (Micro-living – le logement urbain du 21e siècle), le GDI Gottlieb Duttweiler Institute s’est penché sur les mutations dans le domaine du logement. Stefan Breit, co-auteur de l’étude, explique dans cet entretien les tendances qui se dégagent pour l’avenir du logement.

Le logement est un reflet de l’état social et culturel de toute la société – et s’adapte successivement à l’être humain. Comment pourrait-il se présenter dans un monde où la population est toujours plus nombreuse, devient plus urbaine, avide d’expériences, mobile et lasse d’investir dans les biens matériels?

Vous avez récemment publié une étude sur le logement urbain du 21e siècle. De quoi s’agit-il exactement?

L’étude pourrait se résumer en une phrase: deux tendances dominent l’habitat du futur, individualisation et densification. Le micro-living en est une émanation. L’avenir du logement n’est donc pas prioritairement conditionné par des progrès techniques, mais par des évolutions sociétales. Celles-ci s’imposent à travers tout l’espace bâti et ont le pouvoir d’influencer la manière dont nous habiterons à l’avenir. Le fait que de nombreux besoins en matière de logement puissent être satisfaits sur des surfaces plus réduites que jadis est peut-être presque encore plus important que la pression exercée par la densification. A l’avenir, il ne nous faudra plus autant de place qu’aujourd’hui dans nos quatre murs.

Que signifie concrètement «micro-living»?

Le micro-living ou habitat compact tend vers une simplification maximale. En Suisse, on entend par habitat compact des appartements d’environ 30 mètres carrés qui offrent tout ce qu’il faut pour vivre de manière autonome: une cuisine, une salle d’eau, un lit. Sur le plan global, la définition dépend fortement du contexte local: au Japon, on peut vivre sur 5,8 mètres carrés; sur la côte Est des Etats-Unis, le «micro-living» est défini à raison de 37 à 46 mètres carrés, contre seulement 28 mètres carrés sur la côte Ouest. Le point commun de toutes les définitions, c’est que, par rapport à la moyenne, l’habitat compact occupe toujours moins d’espace. Il est intéressant de relever qu’il n’y a encore pas si longtemps que cela, une grande partie de la population mondiale vivait dans des micro-appartements. Selon une étude des Nations Unies, seuls 18 pour cent de la population urbaine disposaient de 20 mètres carrés ou davantage par personne en 1995. Aujourd’hui, ce concept revient. Pour beaucoup de gens, le logement n’est plus purement une question de prestige. Ils préfèrent dépenser leur argent pour les loisirs ou les voyages. L’habitat compact est ainsi une réponse aux besoins les plus essentiels en matière de logement: un lieu où l’on se sent en sécurité.

«Deux tendances dominent l’habitat du futur, individualisation et densification.»

Dans cette étude, vous identifiez six grandes tendances pour le logement. Laquelle influencera-t-elle le plus notre manière d’habiter?

Je suis convaincu que ce sera surtout la première tendance: diversité collective. Il s’agit ici de la place toujours plus importante de l’individu au sein de notre société et des répercussions sur la manière d’habiter. Le nombre de ménages d’une seule personne continue d’augmenter. Si l’on vit seul de plus en plus longtemps et de plus en plus souvent, on recherche d’autres formes de communauté. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est en réalité logique. Cette mégatendance de l’individualisation influencera par conséquent massivement l’espace bâti.

Vous dites que le nombre de personnes vivant seules continuera d’augmenter. Comment interpréter cette tendance au niveau de l’état de notre société?

Il serait un peu dangereux de tirer des conclusions sur l’état d’une société à partir de l’individualisation. Néanmoins, la manière dont le paysage architectural se présente peut être révélatrice. Ce n’est certainement pas un hasard si l’on considère le logement comme un miroir de la société. Lorsque de nombreuses personnes vivent par exemple sur beaucoup de mètres carrés, cela indique une société prospère. Par ailleurs, si certaines villes comptent 50 pour cent de ménages d’une seule personne, cela influence une société. L’individualisation ne doit toutefois pas être perçue comme une forme d’égoïsme: la confiance en soi augmente et on assiste à un déplacement de la dépendance vers l’autodétermination. Vivre seul, être seul est perçu de manière toujours plus naturelle et évidente. Par conséquent, la tendance du ménage d’une seule personne traverse de nos jours la société dans son ensemble, et ne concerne pas uniquement certaines catégories d’âge.

Les gens et leurs besoins changent plus vite que le paysage architectural. L’habitat compact tient-il mieux compte de cette dynamique du changement?

L’architecture ne peut intégrer que des tendances fondamentales. Beaucoup de courants éphémères prennent fin sur les murs en briques des immeubles. Je crois pourtant que l’individualisation et la pression de la densification ont effectivement le potentiel de modifier durablement l’espace bâti. L’avantage du micro-living, c’est que cette forme d’habitat peut convenir à tous, de l’étudiant au retraité. La question est uniquement de savoir comment un habitat compact sera réaffecté un jour si la tendance du ménage d’une seule personne diminue à nouveau. Cela requiert des concepts architecturaux passionnants. Les tendances et les contre-tendances fonctionnent souvent en parallèle. Le monde devient toujours plus individualisé, mais en même temps, on recherche une nouvelle communauté, qui ne se compose peut-être pas de la famille, mais d’amis, de camarades d’études – une famille de remplacement, en quelque sorte. A l’avenir, des formes d’habitat tenant compte à la fois des besoins individuels et de l’échange collectif prendront davantage d’importance.

Dans votre étude, vous évoquez également les offres de co-living. C’est un concept passionnant pour les start-up, mais que nous ne connaissons pas encore en Suisse. Comment fonctionne-t-il?

Le co-living associe en réalité les deux pôles travail et logement. De telles offres tentent de réunir des gens ayant des valeurs et intérêts similaires pour leur permettre de les exprimer dans un échange fécond. Cela stimule le besoin d’une zone de confort dans le logement. Pour les bailleurs, c’est intéressant du fait que les locataires restent plus longtemps s’ils se sentent bien dans leur environnement.

«L’architecture ne peut intégrer que des tendances fondamentales.»

Pensez-vous que, compte tenu de notre mobilité, les surfaces de bureaux vont aussi massivement diminuer jusqu’à un micro-working?

Un aspect passionnant. Beaucoup de gens ont de plus en plus de peine à séparer habiter et travailler. Une connexion Internet et une prise de courant suffisent bien souvent pour exercer une activité professionnelle. Cela représente une mutation fondamentale pour notre société, avec des répercussions tant sur notre manière d’habiter que de travailler. Aujourd’hui déjà, des surfaces de bureaux ne trouvent plus preneur à Zurich ou ailleurs, alors qu’on travaille dans des cafés, dans le train, au parc, etc. Un bureau n’est plus vraiment nécessaire pour travailler.

Le micro-living est un concept urbain, appliqué surtout dans des grandes villes comme Tokyo, Londres, New York ou San Francisco où le logement coûte extrêmement cher. Sera-t-il aussi adopté en Suisse?

J’en suis convaincu, surtout si les villes continuent de croître et que la pression de réduire les surfaces habitables existe. A l’avenir, vivre dans un espace réduit ne sera plus perçu comme un sacrifice en soi. La sensation de bien-être se détache de la surface occupée. Je ne sais toutefois pas si des concepts comme il en existe à San Francisco traverseront nos frontières: là-bas, huit projets proposent déjà des espaces dortoirs, des «dorms». On ne dort plus dans ses quatre murs, mais dans la même pièce que 20 autres personnes. Les loyers élevés en sont la principale motivation.

La propagation de tels concepts dépend fortement du contexte culturel. Chez nous aussi, l’affectation des logements pourrait être mélangée ou combinée différemment à l’avenir. Si nous ne cherchons plus à satisfaire toutes les fonctions du logement dans un seul lieu, cela modifie les équipements. Se pose alors la question de savoir ce que nous serions prêts à partager. Pourrions-nous renoncer à notre propre cuisine? A la salle de bain? A notre propre chambre à coucher? Chacun doit répondre à cette question pour lui-même.

«Ce n’est certainement pas un hasard si l’on considère le logement comme un miroir de la société.»

Dans votre étude, vous évoquez aussi la notion de «nouveau village». Qu’entendez-vous par là?

Cette notion se réfère à la mégatendance de l’individualisation et au besoin parallèle de communauté. Dans certains nouveaux quartiers urbains, les habitants sont tentés de créer une sorte de caractère villageois, avec le risque de vivre dans une bulle. Dans ces ensembles d’immeubles, on trouve tout ce dont on a besoin sans en sortir ni avoir de contacts à l’extérieur. En résumé, il s’agit de la mutation qui permet de vivre en ville comme dans une sorte de village.

Personnellement, quelle est la principale conclusion que vous retirez de cette étude?

Il était très intéressant de constater le grand nombre de personnes qui vivent seules. Promenez-vous à travers Bâle et frappez à une porte: vous avez 50 pour cent de chance que la personne qui vous ouvre vive seule. Le nombre de personnes vivant seules dans notre pays est supérieur à la population des huit plus grandes villes du pays!

Je retiendrai aussi l’exemple du «cube humain», une expérience intellectuellement fascinante: si l’on emballait toute l’humanité dans un cube, la longueur de chacun de ses côtés serait de 1,3 kilomètre. Cet «immeuble» serait si petit qu’il faudrait tout juste une demi-heure pour en faire trois fois le tour en courant. Le fait que comprimée ensemble, la multitude de gens vivant sur cette planète occuperait si peu d’espace est réellement impressionnant. Ce cube pourrait incarner exactement la question que nous devons nous poser en matière d’avenir du logement: quelle proximité sommes-nous prêts à accepter, avec qui voulons-nous habiter, comment nous représentons-nous un logement nous permettant d’exprimer notre caractère? Dans ce contexte, les changements sociétaux sont plus passionnants que l’évolution technologique. En ce qui concerne le logement, il n’est pas primordial de savoir si ce sont des robots qui construiront nos maisons ou s’il y aura des panneaux solaires sur les toits. Ces technologies ne modifient pas l’expérience d’habiter, contrairement à celles qui influencent la cohabitation. Si l’on a constamment sa famille et ses amis à porter de main grâce au téléphone portable, cela modifie la manière dont nous communiquons avec nos voisins. Et influence également l’espace dont nous avons besoin pour notre bien-être.

L’avenir du logement – étude de iLive AG

Six thèses ont été identifiées dans l’étude. Celles-ci permettent de dégager les grands axes de l’habitat du futur:

  1. Collective Diversity: les formes d’habitat continueront de se diversifier, l’habitat collectif gagne en importance.
  2. Peak Home: les fonctions du logement sont désintégrées, il y a une co-évolution entre l’appartement, le voisinage et la ville.
  3. Platform Living: habiter devient plus flexible et l’immobilier devient aussi un peu mobile.
  4. Augmented Convenience: les technologies peuvent faire de l’habitat une expérience hautement personnalisée.
  5. Branded Living: habiter devient une marque de fabrique.
  6. Somewhere Strikes Back: plus la tendance vers un style de vie mobile et ouvert devient forte, plus la contre-tendance de s’enraciner, vers un mode de vie simple, augmente elle aussi.

L’étude der iLive (Schweiz) AG peut être téléchargée (en allemand) sur gdi.ch/microliving18

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